Interactions sophistiquées entre

la Sauge des prés et les bourdons

 

Les Hyménoptères Apoideae sont des pollinisateurs efficaces de Salvia pratensis qui leur fournit essentiellement du nectar mais également du pollen. Apis mellifera est souvent considérée comme le principal pollinisateur mais nos observations sur le terrain nous ont surtout permis de voir des bourdons (différentes espèces) butiner les fleurs de Sauge des prés.

Il s'agit donc ici de décrire les relations établies entre la Sauge (fournisseur de nourriture) et ses pollinisateurs du genre Bombus, à la lumière des observations faites sur le terrain et en classe.

Des caractéristiques de fleur entomogame

La fleur de Sauge des prés produit un nectar abondant. Elle est vivement colorée et il a été montré que le violet de sa corolle est très bien repéré par Apis mellifera (et probablement par les bourdons). La lèvre inférieure constitue une véritable piste d'atterrissage et permet aux insectes de s'accrocher pour récolter le nectar. Le pollen est produit dans des loges polliniques cachées dans le casque de la lèvre supérieure de la corolle, il ne peut être transporté par le vent. Les grains sont collants et peuvent facilement s'accrocher aux poils des insectes puis être retenus par un stigmate.
Le levier staminal, dispositif très spécialisé, dépose le pollen avec une grande précision sur le dos de l'insecte butineur à condition qu'il ait été actionné par le visiteur.
Il convient particulièrement bien aux bourdons et à l'abeille domestique.

Bombus sp. a repéré la fleur de Salvia pratensis, il est sur le point de se poser sur la lèvre inférieure. Son proboscis n'est pas encore en extension.
Une fleur qui fournit de la nourriture (nectar surtout mais aussi pollen ) aux bourdons
- Un nectar abondant, à la portée des bourdons
Comme cela a été expliqué par ailleurs, le disque nectarifère situé au fond du tube de la corolle produit un nectar abondant que la plupart des bourdons, avec leur appareil buccal suceur-aspirateur à longue langue, peuvent facilement récolter.
- Du pollen distribué automatiquement par la fleur sur le dos de chaque bourdon récolteur de nectar
Lorsqu'un bourdon récolte du nectar, il actionne le levier staminal distributeur de pollen de la fleur de sauge qui lui dépose des grains sur le dos. Le pollen récupéré passivement est parfois exploité par l'insecte. Certains bourdons exploitent activement le pollen, ils saisissent et bougent les étamines avec leur mandibules puis rassemblent les grains récupérés (pelotes) dans les corbeilles de leurs pattes postérieures.
Couplage entre récolte de nectar et abaissement des étamines
Goutte de nectar à la surface du disque nectarifère
Dépôt de pollen sur les ailes d'un bourdon
Récolte active de pollen
Brossage des étamines
Récupération de pollen avec les pattes antérieures
Les bourdons, des agents efficaces de la pollinisation, souvent croisée, de la Sauge des prés
Quand un bourdon place son proboscis dans une position permettant la récolte du nectar d'une fleur au stade mâle, il provoque le basculement des étamines qui déposent un peu de pollen (au pouvoir germinatif élevé) sur son dos, dans une zone qui est à peu près toujours la même pour une espèce de Bombus donnée (thorax ou ailes ou éventuellement abdomen). Les poils de l'insecte peuvent retenir les grains collants (pollenkitt). Le pollen de cette fleur ne peut pas germer sur ses propres stigmates (ni en général sur ceux des fleurs voisines du même rameau qui sont, le plus souvent également au stade mâle) car ils ne sont pas réceptifs.
Si le bourdon visite ensuite une fleur au stade femelle, il peut à son arrivée ou lors de son départ, frotter son dos sur la fourche stigmatique (style allongé) et laisser quelques grains de pollen qui pourront éventuellement germer car les stigmates sont réceptifs. Le bourdon assure alors passivement le transport du pollen le plus souvent d'une fleur au stade mâle d'un pied sur une fleur au stade femelle d'un autre pied : la pollinisation est alors croisée. L'autopollinisation est possible mais il faut qu'elle concerne une fleur au stade mâle d'un pied et une fleur au stade femelle du même pied, elle est moins probable.
Grains de pollen de Salvia prat. collés aux poils d'un bourdon
Un grain de pollen (gamétophyte mâle) fourni par une fleur jeune au stade mâle, recueilli par un stigmate peut germer sur un stigmate réceptif de fleur âgée. Il développe un tube pollinique qui chemine dans le long style jusqu'à un carpelle dans lequel se trouve un ovule qui abrite un gamétophyte femelle contenant le gamète femelle. Le tube livre 2 spermatozoïdes.
La protandrie favorise la pollinisation croisée que les bourdons (et l'abeille domestique) peuvent assurer avec efficacité.
Les insectes et Salvia pratensis profitent mutuellement des interactions mises en place au cours de l'évolution entre les pollinisateurs et la plante.