Bryonia dioïca

Pieds mâles et pieds femelles

Bryonia dioïca (Cucurbitaceae) comme son nom d'espèce l'indique présente des pieds mâles et des pieds femelles séparés (dioécie).
Cest d'ailleurs le premier organisme pour lequel on a pu montrer expérimentalement l'intervention d'un mécanisme XY dans la détermination du sexe.
Objectifs

  • Comparer l'organisation des fleurs mâles et des fleurs femelles
  • Analyser les résultats de croisements et montrer que chez Bryonia dioïca, c'est bien un mécanisme de type XY qui intervient dans la détermination du sexe.
  • Compléter avec quelques idées concernant le stade évolutif que représente la dioëcie de Bryonia dioïca.

Organisation des fleurs mâles et des fleurs femelles. Pollinisation croisée obligatoire
On peut rapidement différencier les pieds qui portent les fleurs mâles de ceux qui portent les fleurs femelles. En effet, les fleurs femelles ont un ovaire infère (situé sous le réceptacle ) facilement repérable et absent chez les fleurs mâles. Il se transforme en fruit. Les fleurs des 2 sexes produisent un nectar facilement accessible à la base interne des pétales, la corolle étant largement ouverte à maturité.
-Fleur mâle

La fleur mâle possède 5 étamines (androcée), en 2 groupes de deux, la cinquième étant libre. Elles produisent des grains de pollen tricolporés, à exine réticulée et collante. Formule florale : 5S + 5P + 5 Et
-fleur femelle
Les organes reproducteurs de la fleur femelle constituent le gynécée qui comprend l'ovaire infère (contient les ovules abritant le gamétophyte femelle) surmonté de 3 styles soudés à la base terminés par 3 stigmates bilobés qui retiennent les grains de pollen (gamétophytes mâles). Après fécondation, l'ovaire se transforme en fruit. Formule florale : 5C + 5P + 3 Carpelles (ovaire).
-Pollinisation croisée obligatoire
La reproduction sexuée nécessite l'intervention d'un vecteur externe pour le transport du pollen des anthères d'une fleur d'un pied mâle sur un stigmate d'une fleur portée par un pied femelle. Les stigmates possèdent des poils collants très efficaces pour retenir les grains de pollen. La pollinisation croisée (obligatoire) est source de diversité génétique.

Mécanisme de type XY pour la détermination du sexe
Dans le genre Bryonia, certaines espèces sont monoïques par exemple Bryonia alba. Cette espèce est suffisamment proche de Bryonia dioïca pour que des croisements avec descendance (hybrides) puissent être effectués entre les deux. Ils sont à l'origine de la découverte du mécanisme XY de détermination du sexe dont les élèves connaissent l'existence chez l'homme et chez de nombreux animaux.
Il s'agit ici d'analyser les résultats des croisements proposés et d'en déduire l'intervention chez Bryonia dioïca d'un mécanisme de type XY dans la détermination du sexe.

Croisements
Résultats
Br. alba (pollen ou pistil) x Br. alba (pistil ou pollen)
100 % Br. alba monoïque
Br. dioïca femelle (pistil) x Br. alba (pollen)
100 % hybrides femelles
Br. dioïca mâle (pollen) x Br. alba (pistil)
statistiquement 50 % hybrides mâles et 50 % hybrides femelles
Br. dioïca femelle (pistil) x Br. dioïca mâle (pollen)
statistiquement 50 % Br. dioïca femelle et 50 % Br. dioïca mâle

Les résultats des croisements montrent que le mâle Br. dioïca produit deux types de gamètes équiprobables soit avec X soit avec Y, c'est le sexe hétérogamétique (XY) alors que la femelle n'en produit qu'un type avec X, c'est le sexe homogamétique XX. Les chromosomes sexuels sont en réalité homomorphiques et impossibles à distinguer cytologiquement. Il ya donc bien un système XY de détermination du sexe mais sans évidence cytologique. Un marqueur des sexes a été mis en évidence. Il s'agit d'une séquence d'ADN (amplifiée par PCR) partiellement homologue dans les 2 sexes mais qui diffère par sa taille. Une version n'est présente que chez les mâles et on considère qu'elle caractérise Y alors que l'autre, la seule présente chez les femelles, caractérise X.

Dioécie de Bryonia dioïca et évolution
Environ 5 % seulement des Angiospermes sont dioïques, les plantes hermaphrodites sont grandement majoritaires. Parmi les Angiospermes dioïques on connaît une vingtaine d'espèces (dans 4 familles) pour lesquelles des chromosomes X et Y hétéromorphiques on été identifiés (ex Silène latifolia).
Il n'est pas illogique de suppposer que dioécie et chromosomes sexuels ont évolué à partir d'un hermaphrodite ancestral qui ne possédait que des autosomes et que le sytème chromosomique de détermination du sexe est une conséquence de l'intervention évolutive de la sélection naturelle en faveur de la dioécie.
L'évolution d'une paire d'autosomes en chromosomes sexuels est graduelle, elle doit conduire à regrouper sur l'un d'entre-eux les gènes qui interviennent dans la réalisation du phénotype mâle avec inactivation de ceux qui déterminent le phénotype femelle et inversement pour l'autre. La perte de la recombinaison au locus de détermination du sexe et aux alentours est un évènement déterminant dans ce type d'évolution.
Dans le genre Bryonia, certaines espèces sont monoïques par exemple Bryonia alba. Chez Bryonia dioïca, une étude du marqueur chromosomique du sexe (voir plus haut) a montré que dans certaines populations du nord de l'Europe, les versions du marqueur qui caractérisent respectivement le Y et X sont bien présentes et stabilisées (pas de recombinaisons), c'est beaucoup moins clair pour des populations situées plus au sud (recombinaisons possibles). Il semble que pour Bryonia dioïca, dont les chromosomes sexuels sont homomorphiques, le système de type XY est encore labile. Il serait d'ailleurs jeune (quelques millions d'années).